Une semaine après la peine d’inéligibilité prononcée contre Marine Le Pen, le RN a réuni dimanche ses soutiens à Paris. Sans être le « coup de force » redouté par certains, le meeting a toutefois été marqué par de violentes charges contre l’institution judiciaire. Une occasion également d’afficher l’unité du parti derrière sa « candidate naturelle » pour la prochaine présidentielle. LA PREMIERE TV.CD
Publié le : 06/04/2025 – 20:27

« Vous êtes 10 000 ! » claironne Jordan Bardella, le président du Rassemblement national (RN) en montant sur scène. Dans la foule clairsemée, un ange passe. Inutile d’être un expert du comptage de manifestants pour constater qu’ils sont moins de 7 000 à avoir fait le déplacement à Paris pour « soutenir Marine Le Pen » et « défendre la démocratie », dimanche 6 avril.
Les bus affrétés en urgence par les fédérations locales, en majorité des fiefs frontistes du Nord et de la Somme, n’ont pas suffi à compenser la difficulté d’organiser au pied levé un tel rassemblement. Si le RN a manqué sa démonstration de force, il a sauvé l’essentiel en offrant aux caméras une belle image d’unité : députés en rangs serrés et nuée de drapeaux tricolores avec en arrière-plan le dôme scintillant des Invalides, symbole de l’histoire de France.
Malgré la lointaine ressemblance du bâtiment construit sous Louis XIV avec le Capitole américain, difficile d’y voir « un mauvais remake » de l’assaut des partisans de Donald Trump, comme le craignait Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France et ennemi juré du RN.
« C’est une comparaison idiote et totalement à côté de la plaque », estime Enzo, étudiant de 21 ans dans la Somme. « Le droit de manifester est garanti en France tant qu’il ne trouble pas l’ordre public et qu’il reste dans l’arc républicain ». LA PREMIERE TV.CD

« Il n’y a aucun coup de force ici »
Avant la manifestation, le Préfet de police, Laurent Nunez, a indiqué ne pas avoir de « craintes particulières » malgré la tenue d’une contre-manifestation à l’appel de partis de gauche place de la République et d’un meeting de Renaissance à Saint-Denis. LA PREMIERE TV.CD
« Vous avez vu la tête des gens ? Il n’y a aucun coup de force ici. Comme la droite manifeste peu en France, ça prend tout de suite des proportions », affirme Laurence, 73 ans qui se définit comme une « adhérente » à temps partiel du parti d’extrême droite.
Pas « une manifestation contre des juges » mais « pour la démocratie » et « pour Marine Le Pen », avait rassuré cette semaine le vice-président du RN Sébastien Chenu. La consigne a été respectée à la lettre par les adhérents, parmi lesquels les attaques frontales contre la justice se font rares.
« Je n’ai pas de problème avec cette décision de justice », assure Marc, agent territorial de 55 ans, venu de la région de Lens. « Le problème, c’est l’exécution provisoire. Je trouve cela inadmissible ».
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« C’est une décision de justice qui a suscité beaucoup d’incompréhension chez moi. Par exemple, je n’ai pas compris pourquoi il y aurait un risque de récidive alors que Marine Le Pen n’est plus députée européenne. Je me demande s’il n’y pas une part de politique là-dedans », confie Thomas, étudiant en droit de 23 ans à Brest.
Dans sa décision, la juge a justifié l’exécution provisoire de la peine de cinq ans d’inéligibilité à l’encontre de Marine Le Pen par le risque de « récidive » et de « trouble à l’ordre public ». Plusieurs personnalités politiques de premier plan comme Hubert Falco, l’ancien maire LR de Toulon ou encore à Alain Juppé, pressenti pour être le candidat de la droite à la présidentielle de 2007 ont connu le même sort.
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« On a rien contre les juges mais il ne faut pas mélanger avec la politique. C’est une atteinte à la démocratie et à nos droits. On a l’impression qu’on a plus le droit de penser », affirme la retraitée, qui cite en exemple l’arrêt fin février de la chaîne C8. Sanctionnée à plusieurs reprises par l’Arcom, l’autorité de régulation de l’audiovisuel, la chaîne du milliardaire conservateur Vincent Bolloré et de son protégé, l’animateur Cyril Hanouna, n’a pas été autorisée à renouveler sa fréquence sur la TNT.
« On va gagner ! »
Si le discours des adhérents se veut policé, celui des personnalités qui se succèdent à la tribune s’avère beaucoup plus offensif. À l’image de Louis Alliot, premier vice-président du RN qui fustige « un système » qui a mis « des chausses trappes et des pièges pour nous empêcher d’arriver aux affaires ».
Même tonalité complotiste chez Eric Ciotti, l’ancien LR passé au RN lors des dernières législatives, qui n’a pu s’empêcher de dresser un parallèle avec le destin brisé de son ami François Fillon, candidat de la droite lors de l’élection de 2017. Ce dernier a été condamné en appel en mai 2022 à quatre ans de prison dont un an ferme, 375 000 euros d’amende et 10 ans d’inéligibilité pour détournement de fonds public.
Sur les écrans géants sont diffusés des messages de soutiens de figures de l’extrême droite européenne comme l’Italien Mateo Salvini, le Néerlandais Geert Wilders ou encore le Hongrois Viktor Orban, très applaudi par la foule. LA PREMIERE TV.CD
« On va gagner, on va gagner », s’enthousiasment les partisans du RN avant d’exulter pour l’arrivée sur une musique tonitruante de la star de l’après-midi.
« Ce n’est pas une décision de justice, c’est une décision politique » qui a « non seulement bafoué l’État de droit, mais aussi l’État de démocratie », a affirmé Marine Le Pen, ajoutant qu’elle ne « lâcherait rien ».

D’autant que Marine Le Pen ou Jordan Bardella sont largement en tête des intentions de vote pour la présidentielle de 2027, selon dans un sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune dimanche, réalisé cette semaine. Dans toutes les hypothèses, Marine Le Pen et son dauphin caracolent en tête, avec pour elle entre 32 % et 36 % des intentions de vote, et pour lui entre 31 % et 35,5 %.
Désormais, le RN est suspendu à la décision en appel qui doit intervenir en 2026. Pour le moment, pas question d’envisager un plan B comme Bardella pour la prochaine présidentielle. Tous rappellent que Marine reste, malgré sa condamnation, « la candidate naturelle » du parti. LA PREMIERE TV.CD